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Expérimentation d’un dispositif de biosécurité sur des sentiers en cœur de parc national

Les Espèces Exotiques Envahissantes Végétales, ou plantes invasives, sont la principale menace pour la biodiversité des îles comme La Réunion. Avec le mécénat de la Fondation Groupe EDF, le Parc national de La Réunion dote le territoire d’un nouvel outil pour lutter contre ce danger : les stations de biosécurité.

Mis en place sur les sentiers en cœur de Parc national, ce dispositif vise à limiter la dispersion de graines d’invasives dans des espaces naturels encore bien préservés et surtout à sensibiliser le public sur les menaces qui pèsent sur la biodiversité. Après une première phase d’études et de prototypes, l’expérimentation prend de l’ampleur en 2023. Avec 4 nouvelles stations installées sur l’île, les randonneurs sont invités à devenir de véritables acteurs de la protection de la biodiversité. La première d'entre elle a été inaugurée ce jeudi 4 mai 2023, à l'entrée du sentier botanique de Mare-Longue.

 

LES ESPECES EXOTIQUES ENVAHISSANTES VEGETALES

Seule île de l’archipel des Mascareignes dont une large part du territoire est encore préservée de toute activité humaine, La Réunion abrite une grande diversité de plantes endémiques. Cette biodiversité unique au monde est inscrite au Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2010.

Cependant, cette richesse naturelle est aujourd’hui en réel danger, en raison de la dispersion d’Espèces Exotiques Envahissantes Végétales, qui prolifèrent rapidement au détriment des espèces indigènes et endémiques. Ces invasives colonisent des milieux encore non-envahis, parfois de manière très rapide et agressive. A La Réunion, plus de cent plantes exotiques - volontairement ou accidentellement apportées par l’Homme au cours des derniers siècles - sont aujourd’hui identifiées comme envahissantes et représentent une véritable menace pour la flore locale. C’est le cas par exemple du longose, de la vigne marronne ou encore de l’ajonc d’Europe. En 2017, l’UNESCO a alerté sur l’état d’envahissement de l’île et appelé à prendre des mesures visant à endiguer le phénomène.

Pour répondre à ce défi de taille et préserver au mieux les richesses naturelles de l’île, le Parc national de La Réunion met en place depuis sa création des actions de conservation, de lutte et de sensibilisation. Ces dernières années, le sujet des plantes invasives a été placé au cœur de son action, avec une progression conséquente des moyens humains et financiers alloués à cette cause. Les initiatives mises en œuvre par l’établissement en lien avec ses partenaires sont nombreuses : montée en puissance de la recherche et développement, cartographie de l’état d’invasion, chantiers participatifs, gestion des friches...

Depuis peu, le Parc national expérimente un nouvel outil de lutte et de sensibilisation ayant déjà fait ses preuves de par le monde : les stations de biosécurité.

 

UN OUTIL DE LUTTE ORIGINAL : LES STATIONS DE BIOSECURITE

En moins de 20 secondes, ces mobiliers très simples d’utilisation, permettent à l’usager de taper et/ou brosser ses chaussures pour en débarrasser la terre pouvant contenir des graines d’espèces exotiques envahissantes. La terre potentiellement contaminée tombe ainsi dans un bac de rétention situé sous la station, évitant que l’usager ne transporte involontairement des graines indésirables dans un milieu préservé.

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© Parc national de La Réunion - L. PEYRE

UNE EXPERIMENATION LANCEE EN 2017

Une première station de biosécurité « simplifiée » est installée à l’initiative du Parc national en 2017, à destination des coureurs du Grand Raid. Sur trois éditions consécutives, les traileurs de la Zembrocal ont ainsi pu découvrir et tester le dispositif installé à l’entrée du sentier des Trois Sources le temps de la course.

En 2019, une seconde station rejoint l’expérimentation, cette fois du côté de Grand Coude. L’ouverture d’un nouveau sentier dans un écrin de nature représente en effet un risque important de propagation des plantes invasives, dans un milieu jusqu’ici très préservé. Afin de prévenir ce risque les ouvriers du chantier ont également été formés en enjeux de biosécurité et ont reçu une documentation dédiée.

Grâce aux retours d’expériences des utilisateurs et à l’analyse des terres contenues dans les bacs de rétention, ces deux stations expérimentales ont permis d’améliorer l’ergonomie du mobilier et d’acquérir des connaissances sur les espèces transportées. Sur un an, ce sont 68 kg de terre qui ont été collectés par les deux stations. Un quart de ces terres a été mis en culture et sur les 2 500 germinations constatées, la moitié correspondait à des espèces exotiques, certaines étant particulièrement dangereuses pour les écosystèmes.

Ces espèces étant pour l’heure absente de la forêt de Grand Coude, ces résultats ont permis de démontrer l’intérêt réel des stations sur l’île. Aujourd’hui, le Parc national de La Réunion poursuit l’expérimentation à plus grande échelle, avec l’implantation pérenne de 4 stations de biosécurité, cette fois directement destinées aux randonneurs.

 

223 : 4 NOUVELLES STATIONS A DESTINATIONS DES RANDONNEURS

En 2022, les éco-compteurs situés sur les sentiers de l’île ont comptabilisé plus d’1,5 million de passages en cœur de parc national. Or, les usagers des sentiers contribuent à la propagation des invasives, le plus souvent sans le savoir. Des études ont montré qu’ils transportaient en moyenne 10 grammes de terre par passage, susceptible de contenir des graines d’espèces d’exotiques envahissantes. Traileurs et randonneurs sont donc des acteurs privilégiés dans la lutte contre les exotiques envahissantes.

En 2023, quatre nouvelles stations de biosécurité vont être installées sur les sentiers de l’île, sur des sites stratégiques en termes de fréquentation et de conservation. Les milieux sélectionnés pour la localisation des stations sont tous exceptionnels, et se trouvent à la frontière entre milieux envahis et milieux préservés. Le choix des emplacements s’est appuyé sur des études menées par le Parc national et ses partenaires, afin de cartographier l’état d’invasion des différents sites de l’île et de prioriser les actions de préservation.

Les stations ont été conçues par le Parc national de La Réunion, en collaboration avec l’ONF qui a assuré la construction des dispositifs. Au-delà du recueil de terre potentiellement contaminée, ces stations de biosécurité sont aussi et surtout un outil de sensibilisation important à destination des randonneurs. Chaque station est en effet accompagnées d’un panneau à visée pédagogique, expliquant à la fois pourquoi et comment l’utiliser. Le Parc national a aussi créé une page dédiée sur son site internet pour informer le randonneur et lui donner des conseils pour aller plus loin dans la biosécurité. Ce site a vocation à évoluer pour prendre en compte les résultats de l’expérimentation en cours. Ainsi informé, le randonneur est invité à devenir lui-même acteur de la lutte, afin de préserver la biodiversité et les paysages remarquables qu’il est venu admirer. Les stations de biosécurité sont donc des outils concrets et immédiats de lutte contre les plantes invasives, accessibles à tous.

En communiquant sur ce projet et ses résultats, et en plaçant les randonneurs au cœur de l’action, le Parc national espère éveiller les consciences autours des enjeux liés aux plantes invasives, et favoriser les comportements adaptés auprès des visiteurs du Parc. En effet, chacun peut agir, quel que soit le sentier emprunté. En l’absence de station, un brossage minutieux des chaussures avant de quitter l’habitation est un geste utile à encourager.

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stationsbiosecurite_emplacements.jpg, par lpeyre

 

LES PERSPECTIVES DE L'EXPERIMENTATION

Un bilan annuel est prévu pour l’ensemble des 4 stations, afin de poursuivre l’amélioration de l’outil et d’établir des perspectives à long terme. Il devrait permettre d’évaluer l’efficacité des stations pour retenir les graines transportées par les randonneurs, d’évaluer l’appropriation du dispositif par les randonneurs et d’établir le coût réel de fonctionnement du dispositifs.

En parallèle, à court terme, un éco-compteur sera installé à proximité immédiate de l’une des stations. Celui-ci permettra de mesurer avec précision le nombre d’usagers du dispositif. Une étude qualitative sera également réalisée, afin de mieux évaluer la compréhension et l’appropriation des dispositifs par les usagers, et plus largement de la thématique de la biosécurité en milieux naturels. A moyen terme, d’autres éco-compteurs pourront enrichir le recueil de données de fréquentation sur les autres sites.

Ces données serviront de socle au déploiement de nouvelles stations à proximité des espaces les plus fragiles. Le projet s’inscrit dans une politique globale de lutte contre les plantes exotiques envahissantes, de restauration des milieux et de sensibilisation des publics, aux moyens d’actions diversifiés, afin d’être à la hauteur du problème. Tel est le travail mené aujourd’hui par le Parc national de La Réunion et ses partenaires.

L’expérimentation des stations de biosécurité est rendue possible grâce au mécénat de LA FONDATION D’ENTREPRISE GROUPE EDF qui soutient financièrement le projet, sous le nom «Expérimentation d’un dispositif de biosécurité sur les sentiers en zone prioritaire de conservation du Parc national de la Réunion». La dotation finance ainsi la conception des prototypes, la fabrication et la pose des 4 stations de biosécurité, ainsi que la communication sur le projet. La Fondation Groupe EDF soutient des actions d’intérêt général, en France et à l’étranger dans les domaines de L’Environnement, de L’Education et de l’Inclusion, afin de construire un avenir durable pour les générations futures.

 

De nombreux autres acteurs du territoire contribuent activement au succès de cette expérimentation : ONF, Département, Région, DEAL, IRT, FRT, DRAJES, CIRAD, CBNM…